mardi 27 octobre 2009

Les raisons du retour du débat sur l'identité nationale

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Illustration : Baron Charles de STEUBEN - Bataille de Poitiers (Charles Martel, 732) - 1837
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Par Thomas Legrand, éditorialiste

Il y a des initiatives politiques plus ou moins fines. Celle là a la finesse d'un vieux dragueur de la côte qui demanderait à une serveuse à son goût si elle habite chez ses parents.
Monsieur Besson on voit trop bien dans votre jeu. Vous proposez que la société française se saisisse de la question de «l'identité» de notre pays. Vous lancez comme ça, un débat en l'air, vous décidez que nous devons nous pencher sur cette question: «qu'est-ce qu'être français aujourd'hui?». C'était au Grand jury RTL-Le Figaro-LCI dimanche 25 octobre.

«Je voudrais que l'on débatte sur ce sujet» dites vous ... et bien poursuivons votre pensée parce qu'il y a des pointillés au bout de cette phrase.
Vous voulez que l'on débatte de l'identité nationale, et vous voulez surtout que toute une partie de la gauche, qui réagit habituellement de façon pavlovienne, saute à pieds joint dans ce piège, et s'insurge contre ce dévoiement du mot «identité».
Vous voulez que les commentateurs (encore eux !) vous rappellent que l'identité française n'a rien à voir avec l'immigration et que l'accolement des termes «immigration» et «identité» est une atteinte à l'esprit des Lumières comme l'a si bien montré Alain Gérard Slama dans La Société d'indifférence (Plon 2008).
Vous voulez que cette question qui ne semble pas particulièrement préoccuper nos concitoyens en ce moment redevienne une question polémique, qu'il y ait d'un coté, vous, les réalistes gardiens d'une identité nationale, ceux qui osent enfin relever la tête face à une invasion de voiles et de burqas? De l'autre coté, il y aurait une armée de «droit-de-l'hommistes» irresponsables.

Devant une telle alternative caricaturale, le bon peuple et son bon sens saurait choisir (notamment aux régionales).
Vous voulez une bonne bagarre sémantique et idéologique, à l'ancienne, avec du BHL, de l'Hortefeux bien frais, avec ces excommunications en page «idées» des quotidiens, ces pétitions germanopratines, ces effets de tribunes, ces arguments maintes fois répétés de part et d'autre.
Et au bout du compte, puisqu'il y aura eu bagarre, il y aura eu victoire politique d'un camp, le vôtre. Votre nouveau camp, celui des braves gens.
Vous êtes censé être Républicain, monsieur Besson. L'identité française ou de la nation ne devraient rien dire pour vous! Ce qui compte c'est l'identité Républicaine, la liberté, la laïcité. Pourquoi ne pas demander au peuple de réfléchir sur les valeurs et l'identité républicaine, plutôt que sur l'identité de la France ?

Pourquoi rouvrir ces débats? Où est le problème ?
Est-ce en redéfinissant l'identité de la France que vous réglerez la question de la burqa, n'est-ce pas plutôt en étant au clair avec la République?
Est-ce en redéfinissant l'identité de la Nation que vous nous ferez mieux comprendre pourquoi vous renvoyez trois afghans dans leur pays en guerre ?
Faut-il plus de drapeaux, plus de marseillaise, plus de nationalisme ?
Faut-il que les immigrants passent des tests de français, c'est-à-dire qu'un algérien soit avantagé par rapport à un afghan, un homme par rapport à une femme qui n'a pas eu le droit d'aller à l'école dans son pays?
Quel rapport avec l'identité de la France?

Et puis surtout, monsieur le ministre, puisque vous avez des idées sur la question, formulez-les, traduisez-les en texte de loi et soumettez les au Parlement.
D'où vient cette idée de faire des débats dans des préfectures ? Qui peut croire qu'il peut sortir une nouvelle vision de notre identité de réunions en préfecture?
Le débat est libre et débridée sur Internet et dans la presse, dans les partis ou les associations. Il est codifié et organisé pour représenter la diversité politique et fabriquer du droit dans le cadre de nos institutions. A moins de nous ressortir la fameuse «démocratie participative»...

C'est au Parlement que doivent se tenir les débats politiques. Le parlement a vu, parait-il, ses droits et pouvoirs renforcés par la réforme des institutions, votée en Juillet 2008.
S'il y a un débat législatif, autour d'un projet, il sera relayé, n'ayez crainte, hors des murs du Parlement.
Mais vous ne procédez pas ainsi parce que vous ne voulez pas, au fond, légiférer. Vous voulez que la société s'agite sur ce thème porteur pour vos nouveaux amis. Les régionales arrivent.

C'est vrai que l'on a l'habitude de dire qu'en politique plus c'est gros plus ça passe... mais là, c'est immense! Gigantesque... Et surtout, on nous a déjà fait le coup.

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