lundi 22 février 2010

Violences scolaires "mineures"

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Albrecht DÜRER - Melencolia 1 (1514) - Gravure au burin
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Attention, billet amer…

Les agressions physiques des enseignants ? C’est l’aboutissement des violences "mineures", qu’ils subissent quotidiennement et qui n’ont pas trouvé de réponse.
Car les élèves sont les rares personnes à pouvoir pratiquer le harcèlement moral sur leurs responsables hiérarchiques directs… C'est le monde à l'envers, notamment dans les collèges et les lycées professionnels !
Les adolescents sont souvent tourmentés, et c’est normal. Et quand les élèves ne peuvent pas se défouler sur leurs parents, c’est sur leurs profs qu’ils se rabattent, en profitant de l’aubaine de l’impunité.

Trois exemples emblématiques, vécus dans différents lycées professionnels de province :
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1) Dans un énoncé de maths, j'impose à mes élèves "l’échelle" d’un graphique à tracer… Les 35 adolescents tapent sur les tables en criant à la "privation des libertés individuelles" ! Même réaction quand j’ai refusé qu’on écoute son baladeur pendant mes cours !
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2) Un élève fait croire que je l’ai viré de classe sans raison (en fait il ne s’est pas présenté)… A la demande de sa famille, je suis convoqué par ma Direction et je dois prouver que l’élève ment !
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3) Un élève menace et insulte un collègue, qui fait un rapport. L’information parvient à la Direction au bout d’une semaine, le temps que les Conseillères d’Education comprennent la motivation de l’élève (!) et confrontent sa version à celle de l’enseignant (!!)... A la fin, on juge qu’il est absurde de punir l'élève, une semaine après l’incident (!!!).

Chaque exemple illustre une des raisons de l'impuissance du système, face aux attaques infligées aux enseignants (liste non exhaustive) :

1) Exigence = zéro :
Plusieurs collègues baissent leurs niveaux d’exigence, en gonflant les notes de leurs élèves et en tolérant des entorses aux règlements. C’est doublement gagnant : la Hiérarchie est satisfaite (les bonnes notes prouvent la qualité du professeur) et les élèves sont tranquilles (la paix sociale a été payée).
Un professeur qui refuse ce marché de dupes - par conscience professionnelle ou parce qu'il n'a pas encore été brisé - prend le risque d’être accusé de mettre les élèves "en situation d'échec" et de pratiquer l’autoritarisme !
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2) Crédibilité = zéro
En cas de crise, un professeur n’est pas plus crédible qu’un élève malfaisant (ça arrive...). L'impact, sur le reste de la classe, est redoutable !
Dans le pire des cas, les familles considèrent que les enseignants sont à leur service (argument : on est payé par leurs impôts !).
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3) Cohésion de l’équipe éducative = zéro
Alors que les élèves sont en parfaite cohésion (ils se suivent à tout moment), les personnels sont isolés dans leur classe ou leur bureau ; persuadés d’être seuls à rencontrer des difficultés, beaucoup d'enseignants n’osent les signaler.
Et ceux font des rapports d’incidents se heurtent à l’inertie d’un système pyramidal, voire aux brimades de leur Hiérarchie ("vous avez des problèmes de gestion de classe"). Pas de vagues, c’est compris ?

Pour finir, je rassurerais mes lecteurs : j’aime toujours mon métier, car la plupart des élèves méritent que je donne le meilleur de moi-même. Mais certains jours ou certaines années, comme beaucoup de mes collègues, je constate un cruel manque de reconnaissance…
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Sur le même sujet...
les billets de Juan, Le Privilégié, Gauche de Combat (merci à CC).

6 commentaires:

Cycee a dit…

Courage collègue.
Tu as raison : il est temps que les profs sortent de leur coquille et communiquent entre eux...Pas simple...

J'ai rajouté un lien vers ton billet sur le mien...Intéressant de confronter les expériences et les réflexions...

A bientôt

Thierry D. a dit…

Merci CC, je rajoute aussi des liens.

Ink a dit…

Il y a bien longtemps que je sais l'incompétence et le laxisme de nombre de chefs d'établissement face à la violence des élèves; la bêtise de nombre de parents d' élèves violents; le silence des collègues, le démagogisme de tous.
Aujourd'hui, et chaque jour davantage, l'enseignant doit aussi être éducateur spécialisé, assistant social, gardien de prison, et...punching ball.

Thierry D. a dit…

Ink,
Je crois que tous ce que tu dénonces justement est liée à une somme de résignations.
Ironiquement, la non-résignation peut être contre-productive... car on a toujours tort, contre le monde entier !
Aujourd'hui, je cherche un équilibre mes exigences de départ et l'obligation de "lacher du lest"...

Ink a dit…

Ne pas être résigné(e), c'est passer pour l'emmerdeur/se de service aux yeux de la hiérarchie, celui/celle qui dit tout haut ce que beaucoup de collègues pensent tout bas, le prof jamais content aux yeux du grand public, mais c'est plutôt ça mon style.

Thierry D. a dit…

Ca a été mon style aussi, mais ça s'est toujours retourné contre moi.
Or le but de "soulever des lièvres" (signaler des dysfonctionnements), c'est de les résoudre, pas de se décridibiliser !

Alors maintenant, j'ai changé mes "manières" : je monte le bourrichon aux collègues, discrètement et sans virulence.
Et quand on se retrouve "un certain nombre" à monter au créneau, ça passe beaucoup mieux !